Étudiant-e-s, Personnels et usager-e-s de cette Université Populaire du Sapin Nancy 2, Citoyen-ne-s,
Ce présent communiqué a pour but de revenir sur la précédente AG ainsi que le mail de M Mutzenhardt.
La dernière Assemblée Générale a eu lieu le Jeudi 5 avril 2018. Les diverses interventions ont reflété le clivage ProBlocage – ContreBlocage. De ces 3 heures de débats, différentes motions ont été proposées et soumises au vote. Parmi elles, la continuité ou non du blocage, la démission du Président de l’Université de Lorraine et plus de moyens pour l’université.
À la fin de la discussion, le blocus est reconduit à 740 voix contre 470. Les autres motions ont obtenu une majorité mais le choix des modalités de vote portant à débat, celles-ci ont été ajournées malgré une majorité indéniable.
En cohérence avec le résultat de l’Assemblée Générale, les étudiant-e-s en lutte ont bloqué réellement les bâtiments jusqu’alors partiellement bloqués. Néanmoins, la Bibliothèque, le SUAPS, la MDE (Maison Des Etudiant ) et la Loge n’ont pas été bloqués pour des raisons déjà évoqués lors des précédents communiqués.
En ce sens, les étudiantes et les étudiants en lutte désapprouvent le mail du 06/04/2018 de M. Mutzenhardt, Président de l’université de Lorraine. En effet, aucune entrave n’empêche la libre circulation et donc la sécurité de la Bibliothèque et de ses bureaux administratifs, du SUAPS, de la MDE, du SUMPPS et la PUN.
Les étudiant-e-s en lutte dénoncent la volonté du Président de l’université de diviser les étudiant-e-s en supprimant l’accès à la bibliothèque et en avançant une volonté sécuritaire infondée. Il s’agit là d’un blocage administratif indépendant de la volonté des étudiant-e-s en lutte et ceux/celles-ci ne sauraient en être tenu-e-s pour responsable.
D’autre part, un contact a été établi avec M. Martin, responsable des missions transversales sur le Campus Lettres et Sciences Humaines. Les étudiant-e-s en lutte ont fait part de leur volonté d’établir un dialogue conduisant à la réouverture des infrastructures concernées par la fermeture de l’administration.
De même, une commission a été crée depuis quelques jours pour étudier des solutions communes au problème des examens. A ce titre, les étudiant-e-s en lutte invitent tout-e étudiant-e, tout-e enseignant-e à venir faire part des problématiques propres à sa filière, permettant ainsi de faire émerger des solutions constructives.
Enfin, la colère gronde et mobilise de plus en plus d’étudiant-e-s à travers les universités et les lycées du territoire national. Nancy figure parmi les principaux lieux de mobilisation étudiante. Des relations, des échanges sont actuellement mis en place pour mener des actions communes. Samedi et dimanche, la CNE ( Coordination Nationale des Etudiant-e-s ) se réunit à Nanterre pour fixer des actions communes pour tous les lieux de lutte du pays.
Ensemble, contre la sélection, UNISSONS-NOUS!
Les étudiant-e-s en lutte.
– usagé, ée, adjectif : 1. Qui a été longtemps en usage, qui a beaucoup servi. 2. D’occasion, de seconde main.
– usager, ère, nom : 1. Titulaire d’un droit réel d’usage. 2. Personne qui utilise (un service public, le domaine public).
En fait, je n’écris tout ça que pour une seule raison, assez simple, celle d’expliquer pourquoi je n’ai plus envie de remettre le moindre pied dans une seule de vos assemblées générales, pourquoi je trouve que le mouvement qui revendique le blocage du campus lettres et sciences humaines n’a pas grâce à mes yeux, ni les actions menées à son encontre. Beaucoup je suis bien mieux dans le charme douillet de chez moi, et que j’ai tout sauf envie de passer vous voir sur le campus.
D’une part, par simple constat : la fac de lettres est devenue un zoo, plus près de la guerre des boutons et de Calimero que de la faction armée rouge ou de Fidel Castro. Il faudrait surtout le rappeler aux agités du premier rang, qui sont fébriles à l’idée de chanter la prochaine chanson de la revolución, ou qui entonnent l’Internationale sans avoir pris le temps au préalable de se renseigner sur l’histoire du communisme et de la gauche, qu’on défend ardemment, sûrement sans même savoir ce que c’est. Parce que pour le coup, les réinterprétations lumineuses de l’Histoire vont de bon train. Avec l’UNEF, on apprend que la gauche, c’est « tout ce qui est du côté du progrès social », et la droite « tout ce qui est du côté de l’oppression fasciste et capitaliste », sachant que les deux mots sont pour eux synonymes. On n’oublie peut-être un peu vite que le droit de vote des femmes, c’est la droite, l’avortement, c’est la droite, la quatrième semaine de congés payés c’est la droite, la formation professionnelle continue c’est la droite, l’assurance vieillesse pour tous c’est encore la droite. Loin de moi l’idée de vouloir simplement inverser cette rhétorique stupide, ce qu’ils appellent la gauche a effectivement obtenu au cours de l’Histoire de nombreux acquis. Mais force est de constater que la réalité est loin de ces visions réductrices, où on oppose sans cesse « les méchants messieurs de droite » et les « supers sympas de gauche ». D’ailleurs les deux mandats de François Mitterrand sont bien loin du soleil radieux du communisme. L’un des principaux problèmes naît d’ailleurs ici : aucun individu de « gauche » n’est capable d’imaginer que quelqu’un de « droite » puisse ne pas être un méchant homme en costard qui exploite des pauvres, comme presque personne n’était capable d’imaginer soixante ans en arrière un communiste sans couteau entre les dents. Des images d’Épinal en fait qui fixent des œillères à vos réflexions. Et ça donne des dirigeants de mouvement qui ignorent l’existence du gaullisme social de Séguin, ancien maire d’Épinal par ailleurs, ou dans le pire des cas vont jusqu’à nier son existence, puisque la droite c’est la droite, « elle peut pas être sociale ».
Depuis mai 68, l’anticonformisme est norme de la jeunesse, on a inventé le mythe de la jeunesse libérée, institué le blocage des facs et des lycées comme un rite initiatique, porté des figures comme Bourdieu ou Sartre en symboles de l’intelligence révolutionnaire. En fait, on a interdit d’interdire, on a changé de maître, et pas étonnant que Cohn-Bendit soit aujourd’hui du côté de Macron : on peut penser à un revirement politique pour le leader de 68, en réalité c’est la droite ligne de son combat depuis le début. Mai 68, c’est d’abord la concrétisation d’une mutation des problématiques politiques : on passe de la question sociale et économique, la « question sérieuse », aux phénomènes de société (la liberté sexuelle, l’homosexualité, le féminisme, et aujourd’hui le végétarisme, devenu à ce point à la mode que même Berlusconi en est désormais, et l’affiche fièrement – tout est bon pour l’élection). Changement des problématiques politiques qui va de paire avec l’apparition d’une nouvelle doxa : rien de plus conformiste aujourd’hui que l’anticonformisme. Avec mai 68, les étudiants, épuisés du gaullisme de papa et maman, ont eu leur petite crise d’acné en Sorbonne occupée, réclamant la liberté sexuelle. Grand boum (c’est Berlusconi qui devait être content à l’époque, quand Pasolini déplorait déjà le mouvement), tout le monde couche avec tout le monde, la vie est géniale, peace and love, allons fumer des joints, we are the world. La bonne guimauve de mai. Seulement, derrière, c’est la critique de celui qui veut rester « normal », et la fin progressive de l’amour, l’amour qui nous faisait tomber amoureux, au profit du jouir de l’instant, et puis demain, bah on y pensera demain. Naïveté étudiante. D’autant plus qu’on oublie qu’en mai 68, la plus grande manifestation c’est celle du 30 mai, manifestation en faveur du général. Car oui, s’il y avait du monde dans Paris, à peine le mois fini, la page se tourne, les gens ne se reconnaissent massivement pas dans mai 68, et les événements sont suivis d’un raz-de-marée gaulliste aux législatives de fin juin 68.
Donc la comparaison entre les blocages des facs de 2018 et mai 68, affirmée par les organisateurs eux-mêmes, n’a rien de légitime, bien qu’on puisse faire un parallèle. En effet, les seuls rapports directs avec les journées de mai, c’est le folklore, le « CRS=SS », la sensation de vivre un grand moment de l’Histoire. Mais à part ça, la situation n’a rien à voir. Socialement et économiquement, on passe des Trente Glorieuses à notre fameuse période de chômage, avec la crise, le SIDA qui a coupé un peu d’herbe sous le pied de la liberté sexuelle et j’en passe. De plus, on affirme cette fois-ci dans les universités vouloir se battre pour la question sociale, pour empêcher la sélection à l’université.
Cependant, on remarque une anarchie dans la cohérence des propos, on parle à tout va de tout et de n’importe quoi : améliorer les conditions de vie dans cet hôtel quatre étoiles que doit être la prison, vendre des crêpes vegans, lutter contre l’enfouissement des déchets radioactifs, organiser des conférences sur l’anthropo-marxisme, ateliers poésie et photoshop. Bientôt, atelier prépare ton sandwich : pain blanc – merguez – ketchup, et installation d’une buvette qui servira des mojitos à trois euros autour d’une bonne petite Internationale. En soit, rien de dramatique, c’est même normal, « qu’est-ce qu’on se marre à la fac de lettres » comme dit l’autre. Le problème c’est qu’un mouvement qui a des revendications doit se mettre d’accord sur un socle commun. Et les AG montrent bien une chose : personne n’est capable de s’entendre sur un socle commun. Moi-même, je comprenais pas si le but premier c’était de lutter contre les « fachos » ou contre le plan étudiant. Car si on y réfléchit bien, il va falloir choisir une cible. Macron a été élu, parfois grâce à des étudiants qui aujourd’hui bloquent la faculté alors qu’il ne fait que ce qu’il a annoncé dans son programme, mais surtout face au Front National. À gauche, on a considéré que la bête immonde c’était le Front National, et qu’on était près à aller voter Macron face à lui. Et bien soit, mais à ce compte là, il va bien falloir s’allier avec Macron. Soit on considère que le vrai problème c’est le libéralisme mondialisé et apatride, celui qui veut faire de notre pays, la France, un « hôtel » (dixit Attali, là où Attali passe, l’herbe ne repousse pas), celui qui détruit nos emplois au profit d’une main d’œuvre bon marché en Europe de l’Est ou dans les pays d’Asie du Sud-Est, et je pense que j’ai pas besoin d’en dire plus, mais si on considère que c’est ça le vrai problème, il va falloir renouer le dialogue avec le Front National. Car la France insoumise et Hamon, c’est guère que 25% aux élections de 2017, soit un quart des votants. On pourrait rétorquer que le mouvement n’est pas affilié à un parti politique, mais soyons sérieux, quand on invite seulement des députés France insoumise et des membres du PCF, on est affilié à un parti. Donc, il va falloir amener des gens aux idées de la France insoumise. Et pour ça, je pense qu’on a pas cent mille moyens : aller voir ailleurs, vers d’autres horizons que la petite référence à mai 68 et à Mélenchon, aller voir du côté du Front National, aller voir du côté de certains électeurs de Macron, aller voir du côté des abstentionnistes, renouer un dialogue avec tout le monde. Et c’est pas en insultant de fachos à tour de bras que ça marche.
Si mon exemple peut servir, ce n’est que mon petit avis, mais si je suis contre le plan étudiant, si j’ai toujours eu de la sympathie pour le Front de Gauche, puis la France insoumise, si mes « maîtres » philosophiques en politique c’est Péguy, c’est Pasolini, c’est Proudhon (mais c’est aussi De Gaulle ou Philippe Séguin), malgré ce bagage politique très ancré à gauche, après avoir vécu une AG et quelques discussions, je n’ai plus la moindre envie de participer à votre mouvement. Car j’en peux plus de voir des gens bornés à des idées simples et bêtes : « il est interdit d’interdire », et blablabla. Car j’en peux plus de voir des gens incapables de parler, seulement capables de la propagande habituelle : répéter la même chose pendant trois heures, c’est chiant mais ça marche souvent. Car j’en peux plus de voir des idées contradictoires fuser dans tous les sens, du genre, se revendiquer anarchiste (contre toute forme d’État) et lutter contre le plan étudiant et pour la défense de l’université (service de l’État). Car j’en peux plus de voir qu’on est pas foutu ne serait-ce que de chercher à concilier, c’est-à-dire s’ouvrir sur d’autres mondes que les siens. Parce que c’est ça aussi la convergence des luttes, ne pas rester dans son petit monde. Car j’en peux plus de vous voir fermer la discussion à coups de « fachos » à tue-tête comme un gosse qui veut pas entendre maman et qui se bouche les oreilles en criant « lalala », quand maman lui dit la vérité ou l’engueule un peu. Car on peut discuter avec des électeurs du Front National sans être un facho. Car je doute fort qu’il y ait un cinquième de la population active qui soit facho. Car je pense que c’est le seul moyen, le dialogue, la conciliation, pour mettre au point un socle commun. Pas seulement un socle commun à l’UNEF, un socle commun à tous les étudiants qui ne veulent pas de ce plan. Et sur ce point, il y a des débloqueurs hostiles au plan étudiant qui peut être n’agissent pas de la bonne manière en tenant fermement sur leur position. Mais c’est aussi le problème de votre moyen d’action, à action ferme, réponse ferme, et risque de fermeture du dialogue.
Parce que très honnêtement, je vois pas l’intérêt de lutter contre le plan étudiant, si vous êtes déjà tous en concurrence entre vous pour des raisons politiques. D’ailleurs, c’est pour ça que je pense que le blocus est une mauvaise solution, parce que la seule personne qu’il dérange, c’est nous, les étudiants. On s’empêchent d’accéder au savoir et à l’esprit critique, et on se monte en factions, quand votre objectif c’est de lutter contre le gouvernement. Car du côté des « anti-blocage », il y aussi des gens qui ont voté France insoumise l’an dernier, des opposants à ce projet de loi, pas seulement des « macronistes », et si ça vous arrange de le croire, croyez-le, mais c’est faux. Pas de possibilité de dialogue, c’est pas de possibilité d’un socle commun de revendications, c’est pas de possibilité d’agir massivement, c’est donc pas de possibilité d’influer durablement, c’est donc avoir les mains liées. En bloquant la fac actuellement, vous vous mettez des menottes.
De plus, on ne va pas plus loin que la couche superficielle des idées. L’exemple que je vais prendre, c’est les anti-bure présents dans ces AG, qui amalgament le problème de Bure et celui du nucléaire, et qui ne proposent aucune solution concrète à part la ZAD, et je suis pas sûr que le paysan meusien voit une ZAD d’un très bon œil. Car oui, le problème de Bure n’est pas celui des centrales, c’est lié bien sûr, mais la priorité dans le combat contre Bure, c’est d’empêcher un acte inconsidéré, et déraisonnable : celui d’enfouir des déchets qui seront radioactifs pendant plus de 10 000 ans, quand on ne sait même pas aujourd’hui à quoi ressemblait l’espèce humaine il y a 10 000 ans. C’est réclamer de ne pas risquer l’avenir de la planète sur un coup de poker. Ce n’est pas demander aux centrales d’arrêter de fonctionner. On peut bien-sûr réclamer les deux, mais on peut aussi réclamer seulement l’abandon du projet Bure. Car le problème derrière, c’est qu’il y a beaucoup de pro-nucléaires qui ne s’impliquent pas contre le projet d’enfouissement, car à force de rabâcher « Non à Bure, non au nucléaire », ils finissent par croire que s’opposer à l’enfouissement des déchets, c’est s’opposer au nucléaire. Et bien pas forcément. Ajoutez à cela, qu’on ne propose aucune solution pour redynamiser économiquement une région proche du sinistre, alors qu’il doit y en avoir. Je ne suis pas un expert des institutions qu’il y a sur place, mais il y a me semble-t-il un laboratoire de géologie compétent qui pourrait être utilisé par des géologues, un site archéologique, et enfin un laboratoire nucléaire dont on pourrait détourner l’utilisation actuelle dirigée vers l’enfouissement, pour l’orienter vers un autre chantier d’ampleur en rapport au nucléaire, par exemple la recherche dans le traitement de la radioactivité des déchets nucléaires, déjà menée dans certains pays, et qui consiste à trouver le moyen d’enlever la radioactivité d’un déchet radioactif.
Voilà en bref tout un tas de raisons qui me poussent à me retirer de ces affaires, je n’irais pas hurler avec les loups, que ce soit d’un côté et de l’autre, je refuse de rentrer dans une espèce de guerre des boutons entre bloqueurs et anti-blocage, non, je préfère rester chez moi, tranquillement, travailler dans mon appartement. Car effectivement, je n’ai pas besoin d’aller à la faculté pour me cultiver et développer mon esprit critique, j’ai les capacités de le faire seul chez moi. Bien sûr, je suis déjà très optimiste de croire que quelqu’un ait pu lire jusque ici. D’ailleurs ce serait assez ironique quand on veut défendre l’université : avoir peur de lire un peu plus de trois lignes sur Facebook. Mais je garde espoir 😉 ! Merci d’avoir lu.
P.S. : Je réserve pour la fin les mots gentils. Désolé s’il y a des fautes, j’ai pas le temps de me relire, je dois partir de chez moi bientôt. De même, désolé si ça peut sembler un peu agressif sur les bords, ce n’est pas le but. J’espère juste que ça pourra faire réfléchir, et peut-être même permettre à votre mouvement de prendre une autre tournure. Le but de ce texte est pas de rentrer dans une logique de conflit, je m’en moque, puisque de toute façon je compte bien rester chez moi. Mais je pense que c’est trop important que ce qui se passe en ce moment (la politique du gouvernement, la crise politique et d’un autre côté la mise en place d’une opposition avec ces blocages) pour rester complètement silencieux. Comme je ne cautionne ni le blocage ni les anti-blocage, c’est mon moyen à moi d’agir. Merci encore d’avoir lu.