« Il n’y aura pas de sélection », c’est la dernière déclaration à la mode en ce moment : Frédérique Vidal, publicité gouvernementale, articles ou encore dans la bouche des anti-blocage. On accuse les vilains bloqueurs de ne pas avoir lu correctement la loi.
Et si on expliquait tout ça une bonne fois pour toutes ?
A la question, de la sélection : oui oui et re-oui il y aura bien une sélection.
Même si ce n’est pas signifié très explicitement dans la loi, elle n’en est pas moins présente. Définir des « prérequis » pour une formation est une forme de sélection, d’autant plus si ces prérequis sont liés à une somme monétaire, par exemple avoir un BAFA, avoir fait des voyages à l’étranger, ou avoir été dans un club sportif. Pour le moment les critères de sélection sont discutés, laissent place à beaucoup d’imagination et dans tous les cas ne seront pas unifiés au niveau national.
Je m’explique : dans les derniers mois, les enseignant-e-s d’université ont reçu une « Fiche Navette » à compléter avec leurs propres critères, en cas de refus ce seront les notes des épreuves anticipées (de 1ère donc) qui seront prises en compte, précise une mention.
En bref : sélectionnez sinon l’État s’en charge pour vous.
C’est également l’occasion de revenir sur une déclaration du président de l’Université de Lorraine qui affirme qu’il n’y aura pas de Sélection à l’UL, que des « OUI » seront mis à tout le monde et pas question de mettre des « OUI SI » alors que ce n’est qu’une question de temps :
En effet, la sélection met en compétition des étudiant-e-s, qui dit compétition entre les étudiant-e-s dit compétition entre les universités, soit un renforcement de leur réputation et une hausse de leur prix. C’est entre autres pour cette raison qu’on parle de « privatisation du service public ».
Non, être contre la sélection ce n’est pas regretter le tirage au sort
La communication de Macron consiste à opposer les deux, alors qu’il n’en est rien et que cela relève de choisir entre la peste et le choléra.
En s’opposant à la sélection, on souhaite plus de moyens à l’université pour avoir plus de place et plus de personnel, alors que depuis la loi LRU (de la fusion des universités) des postes ont été gelés, on assiste à une augmentation de nombre d’étudiant-e-s alors que le nombre d’enseignant-e-s stagne voire baisse.
Mais un budget il y en a un, me dit on dans l’oreillette ! Oui mais étalé sur 5 ans, dans des domaines prédéfinis et en priorité pour des projets « innovants », donc pas d’augmentation de places pour les étudiant-e-s ou le personnel prévu.
Cette revendication n’est pas un naïf « on veut plus de lovés stp », sans tenir compte de la situation économique : tout nous fait comprendre qu’il faut faire des économies, tandis que des dettes du continent Africain ont été annulées sous le mandat d’Hollande, et qu’un récent Tweet de Macron qui espère accueillir le mondial du Sky en 2023, donc on a de l’argent pour briller mondialement mais pas pour protéger l’université ni les hôpitaux… J’aurais aussi pu parler du budget de l’armée qui augmente considérablement, l’ISF, retenons simplement que : De l’argent il y en a, mais pas pour le service public.
Non on accompagnera pas mieux les (futur-e-s) étudiant-e-s
Un autre élément de langage très courant est de parler de « parcours personnalisé » et « cohérent » encore un terme vide (conforme au texte de loi lui même vide) mais en pratique ça donne quoi ?
Pour le moment, on a eu quelques témoignages de professeur-es de lycée qui déclarent devoir juger des aptitudes morales et des traits de la personnalité de leurs élèves, dont iels ne connaissent rien.
Sous prétexte que tes vœux étaient dans des domaines variés, iels pourront dire que tu as l’air hésitant, alors que les personnes qui ne sont intéressé-e-s par un seul domaine et déjà vraiment passionnées, il y en a peu. De même la réforme du bac offrira la possibilité de choisir des spécialités très tôt, ce qui en soi, pour la découverte n’est pas un problème mais ça peut le devenir si ces choix deviennent des « prérequis » pour l’entrée à la fac.
On parle aussi d’un accompagnement en cas de refus à l’entrée à la fac, histoire de pouvoir être remis à niveau, une idée lumineuse mais sans suite pour le moment : toujours pas de budget conséquent, à l’Université de Lorraine par exemple il n’y aura aucun moyen disponible pour « accompagner » les étudiant-e-s les plus faibles.
Le mythe de la méritocratie
Non nous n’avons pas les mêmes chances :
Très brièvement, d’un point de vu du développement des enfants, un enfant qui grandira dans un milieu favorisé aura plus de stimulations intellectuelles qui lui permettront de développer d’avantage son intelligence, de même des études sur le développement du langage soulignent de grandes disparités très tôt dans le vocabulaire des enfants.
Simplement : l’intelligence est (au moins partiellement) déterminée par l’environnement et donc le niveau économique et social.
En plus des facteurs biologiques et environnementaux qui sont difficiles à contrôler, les classes moyennes ne vont pas dans les mêmes écoles que les classes supérieures ce qui renforce cette détermination sociale. Au delà de ça, c’est un leurre de croire que la sélection n’existait pas déjà dans le supérieur : les étudiant-e-s issu-e-s des milieux les plus pauvres sont plus susceptibles de travailler en même temps que leurs études ce qui affecte : leur présence en cours, leur temps de sommeil, leur temps consacré à étudier, et inévitablement leur performance aux examens.
De même un-e étudiant-e qui rencontre des difficultés, ayant le soutien financier de ses parents, pourra prendre des cours particuliers et aura du temps libre pour pallier à ses difficultés
Voilà pourquoi que ce soit avant ou après l’entrée à l’université, nous n’avons pas les mêmes chances de réussite.
Ces différences seront d’autant plus prononcées à long terme avec la logique de privatisation dans laquelle s’inscrit la loi ORE, rappel : compétition entre les étudiant-e-s = compétition entre les universités et donc augmentation de son coût. Si l’université n’est plus un service public, elle ne sera plus accessible aux plus pauvres (mêmes si ils sont méritant-e-s) qui n’auront même plus la chance d’y mettre les pieds. Grossièrement, le modèle serait proche de celui de l’université américaine. Face à cela deux solutions possibles : renoncer à l’université, ou faire un bon gros prêt.
L’université populaire du Sapin, Nancy II
*Certaines notions de politiques comme le projet de privatisation nécessite d’avoir une connaissance des traités européens, spécialement les textes fondateurs ainsi que le TFUE et le TUE.
Consulter le projet de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0391.asp
La loi après vote du Sénat : https://lookaside.fbsbx.com/file/loi%20ORE.pdf?token=AWxx9pkzNQFx4OJ72pQdCfC7LX0NJXxdQl1Ldt7_UDMd9zZx8nO2SHB0TS7AaUqL-VkvGsDzNjC4sZ8ftC8y8unZkiUTvvBqScqoDLUlYm2tXG3LyBpde5sKMsM5eRQrwIID_ABy7ixarZAIThleqA0-uWxI244_tIoDQqepr_Ikrw
Conséquences des origines sociales, vulgarisé : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tude_de_jumeaux
Le développement du langage, Agnès Florin
http://site.com/
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