Charge de police au CLSH Nancy

Bonjour à tous,

Jusqu’à présent je ne m’étais ni engagée, ni positionnée mais le « spectacle » auquel j’ai assisté hier me force à constater que l’université de Lorraine ne représente plus mes valeurs humanistes. À quelques semaines de ma soutenance de thèse et après 8 années à étudier sur le campus lettres et sciences humaines je peux vous assurer que je ne reconnais plus l’endroit dans lequel je me sentais en sécurité et en liberté de penser sans que ma pensée soit sidérée. J’ai assisté à la parade des forces de l’ordre hier après-midi à mon grand désarroi et alors que je n’avais pas assisté à l’AG car je souhaite laisser la parole à nos étudiants je me suis vue contrainte et forcée d’aller tenter de les protéger lorsque la police a investi les lieux. Je me suis sentie obligée (car sinon j’aurais eu l’impression de perdre toute humanité en moi), avec un genou immobilisé et une canne, d’aller me placer entre les forces de l’ordre et mes étudiants et d’utiliser mon corps comme bouclier humain pour protéger nos jeunes. D’autres enseignants l’ont fait mais trop peu. Alors ma question est la suivante: où êtes-vous chers collègues de la fac de lettre et même des autres fac? Qu’allez-vous faire dans ces moments d’autoritarisme accru de la part de notre présidence et de l’état? Comment allez-vous réagir aux violences policières qui ont eu lieu hier?

Durant l’évacuation par pertes et fracas, mais surtout par fracas des matraques sur les corps désormais endoloris de nos étudiants, j’ai entendu ces derniers hurler à l’injustice, à la violence gratuite et sidérante. Je les ai entendus hurler sous les coups des matraques et lorsque les policiers attrapaient nos étudiantes assises au sol par les cheveux pour les évacuer. Je n’ai pas entendu les souffles des étudiants les plus forts physiquement se couper lorsqu’ils étaient plaqués au sol agrémenté de clés de cou ou de bras, mais j’ai senti mon coeur se briser.

À la fin de l’évacuation j’ai hésité entre pleurer et rire en voyant des policiers CRS et BAC expulser des enseignants titulaires et des étudiants de licence et master que je vois/cotoie depuis des années et dont je connais les parcours universitaires, souvent brillants.

Je suis écoeurée de la politique mise en place, et alors que je pensais me destiner à une carrière d’EC, maintenant j’hésite car l’université ne me semble plus incarner les valeurs qui me tiennent tant à coeur et pour lesquelles je souhaitais l’épouser. Je ne me sens plus en sécurité dans ma fac.

À chacun de gérer avec sa conscience et à vous de regarder nos étudiants dans les yeux à la prochaine rentrée quand vous tenterez de leur enseigner Goffman, Bourdieu, Einstein, Sartre, Lacan et tous les autres!

Cordialement,
Une doctorante épuisée,