Collectif des étudiant.e.s et personnels de l’université de Lorraine contre la sélection.
Soutenus par les syndicats CGT, FSU, FO et Sud-Éducation de l’établissement.
Nancy le 24 mai 2018.
Ce campus a connu un mouvement social ces dernières semaines contre la loi ORE et
Parcoursup, tout comme de nombreux autres établissements au niveau national. Le mouvement
a été résumé médiatiquement sous la forme de blocages et de violences mais bien d’autres
événements ont eu lieu et ont eu moins de retentissement médiatique : cours alternatifs, repas
populaires, projections de films, conférences, etc. Il a également donné lieu à une répression
policière sans précédent au niveau national, et la première sur ce campus, dans l’objectif de
faire taire cette lutte sociale. Nous allons revenir sur les raisons de ce mouvement (toujours pas
terminé) ainsi que les événements qui ont abouti à l’intervention des forces policières.
Retour sur la répression
Durant le mouvement, le président de l’UL a envoyé régulièrement des messages aux
étudiant.e.s et personnels pour les tenir informés de la situation sur les campus (Lettres et
Sciences Humaines à Nancy et Saulcy à Metz). Dernièrement, il a envoyé un long courriel de
13 pages pour justifier l’intervention des policiers et récapituler les événements tels qu’ils lui
étaient rapportés. Ce courriel se terminait ainsi : « J’ai proposé de rencontrer des représentants
du comité de blocage de Nancy ». Mais si les membres du comité de blocage étaient violents,
justifiant aux yeux du président une intervention policière, comment interpréter qu’il veuille
désormais les recevoir ?
Tout au long de la mobilisation, des propositions de rencontres lui ont été adressées par le
collectif, propositions systématiquement refusées. Nous rappelons également que pendant
quelques jours une navette a été mise en place entre l’administration et les étudiant.e.s en lutte
afin de pouvoir échanger sur les revendications. Or, le président a toujours refusé de rencontrer
ces personnes mandatées. De plus, le président de l’UL a annoncé à plusieurs reprises la tenue
de débats sur la loi ORE, débats qui n’ont toujours pas eu lieu à ce jour, du moins par la voie
officielle. Raison pour laquelle le mouvement s’est emparé de cette question. Et l’actualité
récente a montré l’importance d’un tel débat puisque à l’heure où se déroule cette conférence
de presse, environ un.e lycéen.ne sur deux seulement a reçu une réponse positive, laissant les
autres dans une situation d’incertitude quant à leur avenir. Pourtant, le président de l’UL, le
gouvernement et les autres président.e.s d’université n’ont cessé de présenter les personnes
mobilisées comme étant dangereuses et agressives, en faisant passer au second plan les raisons
du mouvement. Mais il est important de souligner que pendant plus d’un mois, il y a eu une
occupation pacifique de la faculté de Lettres, le président de l’UL le reconnaissant lui-même
dans de multiples courriels. Les cours n’étaient pas bloqués par les étudiant.e.s mais suspendus
par l’administration. Nous ne pouvons pas parler de blocage mais d’occupation : comment
bloquer des portes déjà fermées ? Ce qui prouve que cette répression ne visait pas tant les
personnes en lutte que leurs idées politiques.
Et puisque nous étions si violents, au point que le président de l’UL envoie quotidiennement
des courriels pour dire aux étudiants de ne pas venir sur le campus car les cours ne pouvaient
pas avoir lieu, pourquoi avoir maintenu les partiels, sachant que la situation n’avait pas
changé ?
Nous allons maintenant revenir sur cette journée du 3 mai ayant abouti à la répression. A midi,
une AG étudiante s’est déroulée sur la pelouse du campus LSH. Après l’AG, nous avons pris
l’initiative de rouvrir des locaux qui avaient été murés et illégalement vidés par la présidence
et de bloquer symboliquement la salle des profs. Vers 14h, nous nous sommes placé.e.s devant
les amphithéâtres 42 et 52 pour informer les étudiant.e.s convoqué.e.s des raisons de la
mobilisation contre la loi ORE. Une demi-heure plus tard, nous nous sommes dirigé.e.s vers le
bâtiment K où les partiels avaient été délocalisés (à une centaine de mètres). Nous avons alors
appelé au boycott des examens pour protester contre la présence des vigiles et contre l’expulsion
subie le 25 avril et ayant abouti à une interpellation.
14h50 : arrivée des forces de l’ordre. Une vingtaine de CDI en armure armés de matraques,
boucliers, gazeuses et flashball ainsi que des membres de la BAC et des RG se sont placés
devant le bâtiment K. Après une demi-heure d’inactivité, contrôle renforcé des étudiant.e.s
convoqué.e.s au partiel qu’ils ont fait rentrer au compte-gouttes.
Cependant, certain.e.s étudiant.e.s convoqué.e.s ont déduit au vu de la présence des forces de
l’ordre sur le campus et du retard avancé que l’examen n’aurait pas lieu. Ils ont ainsi quitté le
campus sans pouvoir être informés. Un étudiant convoqué à ce partiel s’est vu refuser l’entrée
en raison de son implication dans la mobilisation. Il a dû en référer au chef de la police pour
pouvoir passer son examen.
Il est inadmissible que des policiers interfèrent dans le fonctionnement interne de l’université.
15h50 : les étudiant.e.s convoqué.e.s composent dans les amphithéâtres tandis que, au dehors,
nous sommes assis dans l’herbe.
La charge a alors pu commencer… sans sommation.
Boucliers en avant, les CDI se sont rués sur les étudiant.e.s alors encore assis. Deux étudiants
ont été instantanément plaqués au sol et menottés. Les autres étudiant.e.s regroupé.e.s ont été
chargés violemment. Les coups de matraques et de boucliers pleuvent. Plusieurs ont été projetés
au sol et rattrapés de justesse par leurs camarades. La répression a continué, les CDI ont alors
pris les personnes présentes en étau contre des barrières. Il faudra l’aide de deux professeurs
pour se dégager. Pendant ce temps d’autres sont arrêté.e.s, plaqué.e.s violemment au sol,
menotté.e.s et emmené.e.s à l’écart. Certaines se sont fait piétiner. L’une des étudiant.e.s
mobilisé.e.s a été interpellée alors même qu’elle sortait des toilettes.
Ils nous ont poussés hors du campus où nos camarades étaient frappé.e.s alors qu’ils étaient
maintenus au sol.
Au total : 6 étudiant.e.s arrêté.e.s, de nombreux blessé.e.s et la totalité des personnes présentes
traumatisées par cette scène de brutalité sans nom. 42 heures de garde à vue pour 5 d’entre eux
et une interpellation à domicile, sans charge retenue en fin de compte.
Ces violences subies ne sont pas isolées et sont le reflet d’un État autoritaire qui tente de museler
par la violence la contestation sociale légitime. Lyon, Toulouse, Nantes, Marseille, Paris,
Rennes, Montpellier, Strasbourg, Grenoble et tant d’autres ont connu la même situation de lutte
réprimée parfois de manière plus violente qu’en Lorraine. Cela s’inscrit dans un contexte
national où la contestation monte : Bure, Notre Dame des Landes, cheminots, postiers,
retraité.e.s, lycéen.ne.s (96 interpellés le 22 mai à Paris) … Cette lutte est donc globale et
demanderait une autre réponse que la seule violence des forces de l’ordre.
ParcourSup
Ce qui change entre cette année et l’année dernière…
Concrètement, si le lycéen formulait des voeux à l’université (hors filière en tension), il avait
directement une réponse OUI sans avoir à subir de longues semaines d’angoisse comme cette
année. Désormais, si le lycéen est classé au-delà des capacités d’accueil, il recevra la réponse
EN ATTENTE. Par exemple, s’il y a 500 voeux formulés dans une formation pour 100 places,
cela signifie qu’il y aura 100 OUI et 400 EN ATTENTE là où auparavant il y avait 500 OUI,
même si le nombre final d’inscrits tournera malgré tout autour de 100 étudiants. Ainsi, on fait
porter la responsabilité de l’institution sur le lycéen car c’est lui ou elle qui va devoir subir
l’angoisse de l’attente. L’ensemble des filières de l’enseignement supérieur deviennent donc
sélectives ou accessibles au fur et à mesure que des places se libèrent, en dehors des seules
filières en tension. Des lycéens s’inscrivant même dans des filières qui ont des difficultés à se
remplir pourront recevoir une réponse EN ATTENTE. Cela explique pourquoi 1 lycéen sur 2 a
reçu une telle réponse.
Ensuite, ils vont recevoir des alertes quotidiennement pour les informer dès qu’une place sera
disponible. Et ils auront une semaine, puis trois jours puis un jour pour répondre. Et s’ils ne
répondent pas en temps voulu, ils perdront la possibilité de s’inscrire dans cette formation. Ce
ne sont pas des conditions sereines pour préparer le bac et cela va générer beaucoup de stress
durant les vacances estivales.
Et une question que personne ne pose : comment fonctionne le système pour les étudiants
étrangers ?
Il sera aussi mis en place des quotas pour les étudiants en dehors de l’Académie. Ainsi, un
candidat moins bien classé mais qui se trouverait dans l’Académie peut voir son dossier passé
devant celui d’autres personnes.
Loi ORE : une rupture avec les fondements de l’université
L’université française s’est construite ces dernières années sur plusieurs traditions.
Entre autre, l’Université se veut un lieu ouvert sur le monde et sa complexité, et surtout un lieu
d’accueil.
Cela avait deux conséquences qui nous intéressent :
les franchises universitaires (les forces de l’ordre n’ont pas le droit d’y entrer sans
demande explicite)
l’accueil dans les formations de tous les détenteurs d’un premier diplôme universitaire,
le Baccalauréat.
L’évolution démographique, bien connue depuis le début des années 2000, implique une augmentation du nombre des entrants à l’Université. D’où théoriquement une nécessaire augmentation des moyens des Universités pour accueillir correctement tout le monde. Or depuis
2009 et la LRU, les budgets des universités ne dépendent plus directement du nombre d’inscrits.
Pour parvenir à l’équilibre budgétaire, les Universités ont, ces dernières années, décidé de geler
des postes (pour éviter des dépenses). Elles se retrouvent donc face à la quadrature du cercle :
augmenter les effectifs avec des budgets tendus.
Pour résoudre cette impossible question, il est proposé d’optimiser les parcours. Ainsi un
étudiant poursuivant après le bac ne le fait pas pour « comprendre le monde » mais avec une
perspective de rentabilité (pour lui en améliorant son intégration dans le monde socio économique et pour la société en prenant le juste temps nécessaire à son intégration). On passe donc d’une perspective fondée sur la connaissance à une perspective fondée sur la compétence.
Bascule idéologique que l’on retrouve tant dans la réforme du lycée, du bac que dans celle de
la licence. On argumente aussi généralement sur l’inadéquation des bacs par rapport aux
formations, mais les réussites sont en fait nombreuses.
Pour faire accepter cette transformation, il faut un élément sur lequel s’appuyer. Le ministère a
donc mis en avant le tirage au sort, utilisé pour 1,1% des étudiants en 2017. Situation
inacceptable qui aurait plutôt mérité des postes pour accueillir tout le monde. Mais la solution
retenue a été toute autre : remplacer APB par ParcourSup. Nous sommes ainsi passés d’un
système national qui maximisait les affectations par rapport à l’ensemble des voeux des
étudiants (APB) à des décisions prises localement, sans justification, sans contrôle et nécessitant
énormément de temps (pour les lycéens qui doivent justifier leurs demandes et pour les
personnels qui doivent évaluer ces quelque 7 M de demandes).
Or, 40% des filières de l’ESR sont déjà sélectives et personne ne pense à pointer du doigt telle
ou telle classe préparatoire qui permet à très peu d’élèves d’intégrer les écoles normales ou les
écoles d’ingénieurs, pourtant objectif de ces formations. Non passer du temps dans toutes les
formations post-bac c’est apprendre et comprendre le monde. Certains élèves le font avec des
parcours linéaires et directs, d’autres ont besoin de plus d’essais. Lesquels ont raison ?
Uniquement ceux qui sortent plus instruits et intelligents.
Mais cela a un coût.
La loi ORE prétend améliorer la réussite des étudiants là où elle les instrumentalise.
Depuis plusieurs mois, deux discours s’affrontent : l’un venant de la contestation étudiante et
des personnels, l’autre des organes officiels. Ce dernier a changé de pratiques. Il préfère
maintenant faire ses annonces par voie de presse plutôt que de mettre en place la concertation.
Il préfère répéter en boucle des éléments de langage plutôt que de mettre en place de véritables
assises des Universités. Ici, il a préféré faire entrer sur certains campus les forces de l’ordre,
faire barricader des locaux associatifs, porter plainte contre des étudiants, entraver l’activité
syndicale.
Les contestataires défendent une société éloignée de l’idée de la startup Nation, une société qui
fait une place à chacun et qui ne se contente pas d’une vision triviale des enjeux.
Avant-hier, 22 mai la plateforme ParcourSup a délivré ses premiers résultats. Les contestataires
répètent depuis le début que d’innombrables élèves vont se retrouver sans affectation,
contrairement à l’histoire officielle. Finalement, la ministre fait le tour des médias pour prévenir
que seulement la moitié des élèves seront affectés, qu’il faudra du temps pour que se dépilent
les « oui », les « non », les « oui si » (vous vous remettez à niveau pour suivre, mais comment ? ça
on ne sait pas bien) et surtout les « en attente ». Parents et élèves vont pouvoir visiter une page
sur le site du ministère pour quotidiennement vérifier le pourcentage d’affectés et de non
affectés. Il faudra comprendre les tenants et les aboutissants pour bien gérer ses affectations, et
surtout ne pas oublier de répondre (en moins d’une journée en aout) pour ne pas perdre une
réponse positive.
Les contestataires à la loi ORE ne disent qu’une chose depuis ledébut : cessons cet immense
gâchis pour tous les acteurs !
La vraie solution est de donner les moyens de fonctionner à l’Université.
Pour toutes ces raisons, nous invitons les lycéens et les professeurs du secondaire à venir nous rencontrer tous les mercredis à 12h au campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy afin d’échanger des informations et de nous organiser.
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