POURQUOI NOUS NOUS OPPOSONS A LA SELECTION A L’ENTREE DE L’UNIVERSITE

À l’université de Lorraine, comme ailleurs, des personnels et des étudiants sont mobilisés contre la loi « Orientation et réussite des étudiants » (ORE). Nous considérons que cette loi instaure la  sélection à l’entrée de l’université et accentue les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur.

Rappelons que :
o 80 % des étudiants qui entrent à l’université sortent diplômés !
o L’université accueille tous les étudiants bacheliers. Jusqu’à maintenant, l’obtention du Bac
permettait d’accéder à l’université.
o Les universités accueillent environ 50 000 étudiants supplémentaires chaque année depuis
dix ans mais la dépense par étudiant a chuté de près de 10 % et aucun poste d’enseignant chercheur, de chercheur, de personnel administratif et technique supplémentaire n’a été  créé et la précarité se développe.
o Même dans les filières sélectives (Ecoles d’ingénieurs, IUT…) les premières années abandonnent, se réorientent, etc.

Ce qui change :
o Les lycéens n’ont plus la liberté de s’inscrire dans l’établissement et la formation de leur
choix.
o Tous les lycéens doivent justifier leur choix dans un dossier (avec une lettre de motivation)
dans les différentes filières auxquelles ils candidatent. Dans l’immense majorité des cas, ces
dossiers ne seront pas lus et seront traités de manière automatique (à partir des notes des épreuves anticipées du Bac par exemple).
o Les lycéens doivent correspondre aux « attendus » de la licence de leur choix, alors que les
disciplines universitaires sont méconnues voire inconnues.
o Chaque vœu formulé par un lycéen est accompagné d’une fiche Avenir remplie par le
conseil de classe et le chef d’établissement (lycée). Ils donnent un avis sur l’avenir de chaque
lycéen. Ils évaluent la « motivation », l’« autonomie », les « qualités personnelles » ou  encore l’« implication » de l’élève. De nombreux enseignants du secondaire refusent de décider de l’avenir des lycéens de cette façon et de les enfermer dans une voie.
o La plateforme Parcoursup oblige les universités à classer les dossiers dans un nombre de
places limitées => l’accès n’est plus un droit !

Cette réforme n’améliore pas l’orientation, mais instaure la sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur. C’est bien un choix de société qui est fait : une société du classement et de la compétition de tous contre tous. Parcoursup amène, d’une part, les lycéens à s’inscrire dans une logique de calcul et d’apprentissage utilitaire, et, d’autre part, les personnels de l’enseignement supérieur à cautionner cette logique qui achève de dénaturer le caractère universitaire de leurs activités.

L’accès à l’université doit rester un droit ! La plateforme d’inscription mise en place par cette loi
(Parcoursup) n’a rien d’un outil neutre. Une partie de l’enseignement supérieur est déjà sélective
(grandes écoles, classes prépa, IUT, etc.) et limite l’accès aux études d’une partie de la population.

Cette loi aggrave la situation en fermant encore davantage l’accès à l’enseignement supérieur. La
plateforme elle-même semble conçue pour accentuer l’auto-censure et le découragement des
lycéens les plus défavorisés.

La sélection n’est pas la solution ! Les difficultés de l’Université sont le résultat des réformes qui
se succèdent depuis 15 ans consistant à diminuer les financements et à mettre en concurrence les établissements.

Le gouvernement, plutôt que de donner les moyens à la hauteur des enjeux de formation de la
jeunesse, met en place une procédure qui va accentuer la mise en concurrence et les inégalités
entre disciplines, entre établissements et entre territoires.

Nous défendons une université ouverte, capable d’offrir à toute la société un libre accès à
l’enseignement supérieur. Contre la sélection et la mise en concurrence de tous contre tous,
nous exigeons les moyens d’accueillir les bacheliers dans la filière de leur choix.

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Quelques témoignages :

  • D’une étudiante de Master (pendant une assemblée générale)

(…) Au lycée je ne savais pas que je serais actuellement en Master de Sciences du langage, j’ai eu un parcours avec différentes filières, je suis allée en droit en histoire en sciences du langage et au lycée je ne savais pas qui j’étais et je suis désolée mais les professeurs qui nous voient quelques heures dans la semaine au lycée ne peuvent pas définir si on est curieux, si on est empathique ou si on a telles compétences (…) au lycée on sait pas qui on est (…) l’expérience nous façonne (…)

  • D’un enseignant du secondaire

Ce soir, j’ai un peu honte de mon métier de prof. Mon premier conseil de classe nouvelle mouture après réforme macroniste du système d’orientation vient d’avoir lieu, et ce qu’on nous demande d’y faire est juste abject. Il faut donc – puisque toutes les filières sont sélectives, désormais – que nous remplissions pour chaque élève à destination des écoles et des universités une « fiche avenir », qui consiste à établir :
• La « cohérence du projet avec les qualités personnelles » → il est donc désormais officiellement établi que l’évaluation n’est plus celle d’un travail mais de « qualités personnelles », soit d’individus.
• Le « degré de motivation » → qu’est-on censés en savoir ? Le métier de professeur implique-t-il de sonder les cœurs et les reins ?
• Les « chances de réussite » → qui risquent d’être hautes si on en préjuge comme ça dès le Lycée !

Notre société ne comporte sans doute pas déjà tant de sélection, de reproduction sociale et de
classisme qu’il faille en surajouter. Puis cela est bien connu : jamais on n’a vu d’adolescents de dix-sept ans ne sachant trop encore où aller, qui après le Bac se soient découverts et réinventés de façons imprévues. (…)

  • D’un enseignant-chercheur à l’université

Si cette loi ORE avait existé à mon époque, je ne serais pas là aujourd’hui. Si j’avais vu les attendus de ma filière, j’aurais renoncé à aller à l’université. N’étant pas d’un milieu universitaire, personne ne m’aurait encouragé ou aurait pu me dire ce que c’était que l’université. Les attendus sont tellement éloignés de ce que j’enseigne aux étudiants qu’ils m’auraient fait fuir. Et puis, avant d’être maitre de conférences, j’ai fait d’autres choses qui m’ont construit. Et c’est une chance que l’université permette ça.

Les personnels et étudiants en lutte proposent aux enseignants du secondaire et aux lycéens une première rencontre mercredi 30 mai à midi. Campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy pour échanger et s’organiser

Contact : ore-ncy@nancy-luttes.net